mercredi 30 avril 2014

Ce visage refermé sur soi


Parution de "Rimbaud, Celui-là qui créera Dieu" (Points / Le Seuil)

Dans sa préface, Stéphane Barsacq rapporte la réaction d'Yves Bonnefoi à la découverte de la photo de Rimbaud à Aden :

"Yves Bonnefoi, le plus libre, mais aussi le plus salubre légataire de l'esprit rimbaldien, a répondu à mes interrogations diverses : 'C'est très émouvant, cette photo en si grand contraste avec celle de Rimbaud adolescent : ce visage refermé sur soi de la vie vécue entretemps'. Ainsi, bien qu'ayant été retourné dans tous les sens, le champ critique reste-il ouvert, et les découvertes se poursuivent-elles : c'est la double preuve de la présence continue de Rimbaud."

Stéphane Barsacq revient sur cette photo dans un entretien publié sur le site Transfuge ("Rimbaud n'est pas un mythe") :

"- La photo de Rimbaud à Aden en 1880 vient d'être authentifiée. Que vous inspire ce visage méconnaissable ?"

"Je me souviens du 14 avril 2010, le jour où cette photo est apparue sur mon écran d'ordinateur pour la première fois. Ce fut une grande émotion. Il ne faisait aucun doute à qui sait voir que c'était bien là Rimbaud : Rimbaud après Rimbaud, certes, mais Rimbaud tout de même. En elle-même la photo est révélatrice : on le voit, perdu, au milieu d'êtres auxquels - aussi proche d'eux soit-il -, rien ne le rattache. Il est ailleurs comme il l'a toujours été, et comme il le fut au milieu des poètes parisiens. Ce que nous dit cette photo ? Un regard désespéré, un homme hébété : exactement ce qu'était devenu le plus grand poète après son départ au plus loin : au plus loin de soi, comme de la France, mais aussi de son espérance. On sait que cette photo a fait polémique pour des raisons assez absurdes. Elle cassait le mythe de l'adolescent éternel que la photo de Carjat a popularisé. Or, rien n'était plus nécessaire : Rimbaud n'est pas un mythe. C'est un homme de chair et de sang, un être qui a souffert, un poète qui a payé comptant : il voulait la vérité des choses au plus près de l'absolu, sans toutefois que l'absolu ne vienne à se substituer au monde tel qu'il est."




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